vendredi 21 avril 2017

Mat est collant

Mat est collant, une glu... C'est bien simple, il met son nez partout



















 ... absolument partout.







La référence première de Mat est l'homme.
Lors des premiers jours où l'on a mis Lune et Mat ensemble, Mat est revenu vers nous très souvent, et en particulier dès que Lune refusait ses avances



Cet attachement à l'homme peut sembler une bonne chose, on recherche souvent des chevaux centrés sur l'humain : confiance, facilités d'apprentissage, affection... Et il est vrai que Mat apprend vite, parfois même un peu trop :-/ ... sur la vidéo, on voit Mat qui attrape les jeunes pousses avec mon aide, il a suffit que je m'amuse une fois à l'aider ainsi pour qu'il me le "redemande" par la suite.
De fait, Mat à tendance à solliciter l'homme pour résoudre des difficultés au lieu de chercher par lui même une solution. Solliciter l'homme ou compter sur Lune, ce qui l'encourage à la bousculer.
Par exemple, j'aime bien distribuer des pommes et des carottes en mode "répartition alimentaire" c'est-à-dire que je les envoie un peu partout, à la volée. Les chevaux doivent alors les chercher pour les manger. Cela évite, la plupart du temps, les chamaillerie, les occupe, évite aussi de donner à la main, ce qui est rigoureusement interdit avec Mat. Les premiers jours, Mat a eu peur des carottes et continuait de me tourner autour et de tenter de me fouiller dans les mains au lieu d'aller les chercher par terre. Il fallait l'appeler et les lui monter pour qu'il les trouve. Plus tard, il s'est mis à surveiller Lune et lui piquer ses carottes ...


L'attention est capitale dans les apprentissages et l'on sait que pour que l'on puisse apprendre quelque chose à un cheval, il faut que celui-ci soit attentif. Cependant trop d'attention vers l'homme peut aussi nuire à l'apprentissage. Par exemple Mat peut rester bloqué derrière une clôture en attendant qu'on le fasse sortir alors qu'elle est ouverte un peu plus haut.
Mais le problème principal est que Mat est envahissant, continuellement en train de patouiller du nez  de fouiller les mains, tirer les vêtements même... éventuellement de mettre la brouette par terre et j'en passe ! Cela impose de le repousser très souvent, voire de le sanctionner, ce qui n'est agréable pour personne, est énervant et fatigant.

Une solution toute simple consiste à éviter le problème : détourner son attention de nous lorsque nous avons à travailler dans le pré en le mettant dans une parcelle d'herbe (voire l'y enfermant) ou le mettre à l'attache. De nombreux cavaliers rechignent à attacher leurs chevaux, ils n'aiment pas les priver de liberté... Pourtant, cela permet une manipulation supplémentaire, leur apprend à l'être aussi, en cas d'obligation... Et puis, cela a aussi comme bénéfice de leur imposer une contrainte, une limite et d'apprendre à être patient.
Bien sûr, il faut faire cela dans un environnement sécurisé, et ne pas hésiter à utiliser une ficelle afin que le cheval ne se blesse pas s'il tire au renard. On pourrait craindre que cela apprenne justement au cheval à se libérer, car elle casse (donc cède) à chaque fois qu'il se débat un peu fort, mais, et surtout si le cheval est travaillé en main en parallèle, cela va plutôt dans le sens contraire (à condition que le cheval soit systématiquement rattaché dans le calme s'il se libère) : le cheval préfère être tranquille plutôt que se débattre, la loi du moindre effort, de la paix, du champs détendu, lui recommande plutôt d'attendre qu'on le libère.

vendredi 7 avril 2017

Mat est chaud

Le véritable nom de Mat est .... Matcho
Et de fait ... !


Très rapidement après l'arrivée de Mat, Lune tombe en chaleur. C'est normal : c'est un comportement récurrent chez elle, ses chaleurs sont aisément visibles lorsqu'il y a émulation et en particulier lorsque des mâles (même hongres) entre en jeu. Et puis il faut dire que Mat a (en 2015, c'est moins visible aujourd'hui quoi que...) tendance à souffler les juments, c'est à dire à les sentir et même les mordiller comme le ferait un étalon.
Un comportement de cheval entier chez un hongre n'est pas rare et il en est même qui saillissent ! (ici)
En revanche, ce qui est surprenant c'est que Joguette aussi tombe en chaleur ! en 2015, Joe a 35ans (peut-être plus). On me l'a donnée lorsqu'elle avait une 20aine d'année je ne l'ai jamais vu en chaleur, même lorsque je l'avais piquée à la prostaglandine (hormone pour faire venir en chaleur, que l'on utilise aussi pour faire "couler" (avorter) une jument) pour essayer de lui faire faire une petite mule. Donc ma Joe JAMAIS en chaleur ... ? Et ben si !
Je me suis demandé si ce n'était pas une réaction de protection : le fait qu'une jument vienne en chaleur en présence d'un mâle pourrait-il avoir pour effet de réduire une éventuelle agressivité en permettant (facilitant) la saillie ?

Un cheval avec un comportement d'entier dans un groupe de jument n'est pas nécessairement un problème, après tout, on les fait vivre comme des nonnes sinon...

Les jours qui ont suivis l'arrivée de Mat, ce comportement a augmenté les tensions au sein du groupe : Lune, qui commençait à "se faire à l'idée" que Mat puisse approcher Joe, semble revenir là-dessus et la question se pose de savoir si le but est toujours de protéger la ponette, de l'accaparer, ou d'accaparer Mat... : Elle sépare manifestement Joguette de Mat, mais va tout de même présenter ses chaleurs à Mat. En outre, elle se méfie de lui et hésite à intervenir. Lorsqu'elle intervient, elle est davantage dans la fuite que dans l'agression et tente d'entrainer Joguette avec elle (il semble que ce soit ce qu'il se passe à 2min14 de la vidéo).
Lorsqu'elle se décide à amorcer une phase agressive, le but est surtout de dégager Joguette et de fuir avec elle. Si elle menace Mat, elle ne va pas au bout de ses attaques et dégage le terrain au plus vite...



... s'assurant toutes fois qu'il a bien compris le message




Lors de son affrontement avec Kepler, quelques mois plus tard, elle montrera une ardeur au combat, une absence de crainte face à un cheval probablement beaucoup plus dangereux pour elle, qui prouve qu'elle est capable d'être particulièrement efficace. Pourquoi ne s'en prend-elle pas plus vigoureusement à Mat ? Se rend-elle compte que si il est "casse-pied", il ne représente pas un réel danger ? Est-ce sa manière d'établir des limites ? Elle ne tourne pas la hiérarchie "en sa faveur" cependant, car au fur et à mesure, il aura réellement le dessus sur elle. (Il est humain de penser que le "supérieur hiérarchique" a la meilleur place dans un troupeau : c'est celui qui a le premier accès aux ressources, mais l'on peut se demander dans quelle mesure cela ne représente pas une source supplémentaire de stress)









Mat, l'arrivée : les jours suivants


mardi 4 avril 2017

Ces hongres qui agissent comme des entiers

On peut trouver chez certains hongres quelques uns des comportements d'entier. Le plus impressionnant qu'il m'ait été donné de voir était un cheval sur le lieu d'un concours d'obstacle. Il traversait les paddock d'entrainement en hennissant à tout va, piaffant, excité, agité, se cabrant, ruant même je crois... Bref, au plus mal. Qui plus est sec et maigre. Il semble que c'était ce que l'on appelle parfois un cheval "pif" c'est-à-dire un cheval cryptorchide (un testicule est resté dans la paroi abdominale, c'est souvent douloureux, peut être source de tumeur), mal castré. Le plus souvent ces chevaux ne sont pas fertiles car le testicule est atrophié, en revanche ils auraient une forte charge de testostérone, qui associée à une éventuelle douleur explique leur comportement explosif. A cela s'ajoute le fait que comme l'on part du principe que le cheval est hongre, il côtoie hongres ou entiers (rivaux potentiels) et juments sans que l'on prenne de réelles précautions. En présence d'un tel cheval, il est important de le faire voir à un vétérinaire. Le cheval devra à priori subir une opération afin de retirer le testicule. 

Sans aller dans ces débordements, on peut assister à certains comportements, parfois "mignons". Je me souviens d'un poney que l'on mettait toujours au pré avec la même jument qu'il aimait beaucoup (anthropomorphisme ;-) ). Il se plaçait systématiquement entre la jument et la clôture si un autre poney, en particulier un hongre, se trouvait dans le paddock voisin.

Dans la vidéo qui suit, on voit le petit Ernest mener une cour digne d'un gentle-horse. Il a les ganaches fortement développées qui sont des caractéristiques que l'on retrouve souvent chez les entiers. Il est possible que ce poney ait été castré tard, après avoir sailli. Il n'empêche que c'était un très gentil poney, aisément manipulable par des enfants. Sur la vidéo, il fait la cour à la belle Lili, sa fille, à côté est particulièrement intéressée (et en chaleur elle aussi)
On voit ensuite le "vilain" Houston : exécutant ce que l'on appelle parfois le herding ou guidage par l'arrière, il rassemble les juments comme le ferait un étalon. A un moment de la vidéo, on peut voir ma pauvre Lune qui tente de venir me voir. Lune n'est pas une jument collante de l'homme, elle a une grande indépendance (parfois frustrante pour moi, mais en réalité c'est le signe d'un bon équilibre) et recherche peu les caresses. Mais là, elle semble vouloir demander ma protection contre Houston. Ce comportement de la part du hongre était dû au voisinage d'autres chevaux dans le pré voisin, dont Ernest avec qui il s'était battu. (voir ici) Néanmoins, il était excessif et au bout de trois jours, son comportement ne s'était pas modifié : à part pour aller manger ou boire, les juments restaient obligatoirement rassemblées. fait
"amusant", elles semblaient se placer par ordre de préférence de Houston...



Le cheval n'est pas resté avec elles.

L'attention chez le cheval

Tout cavalier sait, plus ou moins, que pour apprendre quelque chose à un cheval il faut qu'il soit attentif. Des chercheurs ont étudié l'attention chez le cheval.
Dans toute recherche, ce que l'on veut évaluer est transformé en données mesurables. Pour évaluer l'attention, les scientifiques éthologues ont mesuré et compté la direction du regard, l'orientation de la tête et des oreilles, si le cheval entre en contact nasal avec l'expérimentateur, si il le suit etc...

Tout d'abord, on sait, mais on s'en serait douté, que la récompense qui favorise le plus l'attention est la friandise. Céline Rochais et coll (université de Rennes) montrent que des jeunes chevaux (peu manipulés) apprennent mieux à rester immobile à la demande, si on les récompense avec une friandise. On pourrait craindre que le cheval ne focalise que sur la nourriture au mépris du reste, mais il semble que en réalité, la récompense augmenterait l'attention envers l'environnement et ainsi, l'apprentissage serait favorisé. 

Une étude de Konstanze Krueger et coll (université de Regensberg, Allemagne) montre que l'attention des chevaux envers les humains peut leur être profitable et qu'ils apprennent en les observant. Elle utilise un seau pourvu d'un couvercle qui s'ouvre à l'aide d'un interrupteur placé quelques dizaines de centimètres plus loin. Devant les chevaux du premier groupe, elle ouvre la boite et place de la nourriture dans le seau, qu'elle referme. Dans toute situation expérimentale, il y a, normalement, un groupe contrôle. Ici, les chevaux du groupe contrôle ne la voient pas ouvrir la boite - en revanche, il voit bien la nourriture dans le seau. 
Les chevaux du groupe expérimental ont mieux réussit à ouvrir le seau et à prendre la nourriture que ceux du groupe contrôle. Bien sûr, ils n'ont probablement pas compris le mécanisme du bouton et ont du procéder par essais / erreur pour réussir à l'activer. Certains ont léché, mordu, l'interrupteur, d'autre ont mis des coups de sabots. Ceux qui ont réussi ont perçut d'une part, que l'ouverture était possible et ils ont été plus insistants, et d'autre part que en triturant dans le coin, il devrait se passer quelque chose de positif : en effet ils se sont intéressés au bouton.

Mais l'équipe de chercheurs remarque que les chevaux du groupe expérimental qui n'ont pas réussit le test reportaient d'avantage leur attention vers l'humain comme s'ils avaient été en attente que celui-ci résolve le problème.

Lors de l'étude de Céline Rochais, cette remarque avait été faite aussi : certains chevaux semblent accorder beaucoup trop d'attention à l'homme et être ainsi moins en capacité d'apprendre. Ce point semble être corroboré par l'étude de Clémence Lesimple (Rennes). Elle reprend le principe de la boite à ouvrir (directement) après démonstration et reste à côté du cheval pendant qu'il essaie de récupérer la nourriture. Seulement la moitié y parviennent et l'intérêt que le cheval porte au chercheur semble directement lié à l'échec au test. C'est-à-dire que selon elle, les chevaux compteraient sur l'humain pour résoudre le problème que pose le couvercle. La question se pose de savoir si cela est un comportement acquis ou non et donc de comparer des chevaux domestiques avec des chevaux sauvages. En effet, on peut se demander quel est l'effet du mode de vie du cheval : si les chevaux testés sont essentiellement des chevaux de boxe, peu ou pas habitués à la recherche alimentaire, mais au contraire à être nourrit "à la main", cela peut expliquer les échecs et le sur-intéressement à l'homme.

Une autre étude, celle de Malavasi et Huber va dans ce sens. Dans cette étude, un seau de grain est placé à proximité d'une clôture électrique, alors que le cheval est dans un paddock (connu) avec son soigneur habituel qui ne s'occupe pas du cheval. Ce dernier tente d'attirer l'attention de l'humain vers le seau en regardant alternativement les deux (le comportement naturel des chevaux est de suivre le regard des autres membres quand ils sont en posture d'alerte (attentif) envers quelque chose (un vélo ...) ) en tournant devant ou en allant au contact physique du soigneur s'il le faut. 

L'attention, favorisée par le don de friandises, est capitale pour l'apprentissage. Cependant, certains chevaux peuvent prêter plus attention à l'homme qu'à la tâche, ce qui entrave leur apprentissage, voire "compter" sur l'homme pour résoudre la difficulté au lieu de procéder par essais/erreur, méthode habituelle et propice aux apprentissages.