mardi 16 mai 2017

Mat, cheval dangereux, agressivité

Dès le moment où l'on a essayé Mat, on a su qu'il est collant, très rapidement il s'est avéré qu'en plus il est chaud, et même qu'il peut être ambiguë avec les hommes. Forcément, cela devait très vite évoluer en problèmes importants.
Il est toujours agréable, lorsqu'on arrive au pré, que notre cheval nous accueille joyeusement, vienne nous voir et nous manifester son amitié. En revanche, quand il commence à faire les poches de manière invasive, voire à nous pousser, il est normal de le dégager, ce que nous faisions, d'autant plus qu'il avait tendance à se faire menaçant en constatant qu'on ne lui donnait rien ! De même, envoyer une calotte a un cheval qui mord est légitime, (même si c'est rarement efficace). Mais Monsieur n'était pas d'accord avec ce principe, n'était certainement pas habitué à ce que l'on ose lui dire non ! Très rapidement il s'est rebiffé.
J'ai expliqué qu'il ne savait pas reculer, bien sûr, il ne savait pas non plus se pousser. 

Se faire imposant, autoritaire, voire "prédateur" auprès de la majorité des chevaux fonctionne bien quand il s'agit de les faire dégager, mais avec certains rares chevaux, ça ne fonctionne pas : ce sont des chevaux durs, on pourrait dire "dominants" même si le terme n'est pas vraiment approprié. Souvent, ces chevaux causent des problèmes et de nombreux dresseurs essayent de les briser (sans forcément s'en rendre compte d'ailleurs), essayent de leur monter "qui est le patron" comme on dit... Ça marche rarement, ou juste un temps, ça leur apprend surtout ... ce qu'est l'homme !

Je ne pense pas que ce soit ce qui se s'est passé avec Mat, je pense qu'on lui a surtout cédé tout ces caprices, en tentant de temps à autre de sévir, sans véritable succès. En tout cas, à Mat on ne la fait pas ! Il sait qu'il est plus grand et plus fort que nous ! C'en est venu au point où il valait mieux se promener dans le pré avec une chambrière ou une gaule !

Par deux fois au minimum, au moins une fois chacun, il a essayé de nous charger ! Enfin essayé... Il nous a chargé. Bon, il s'est fait recevoir et très vite on n'en a plus parlé. Concrètement, quand un cheval menace ainsi, on a deux solutions : si on peut très vite passer en sécurité derrière un fil ou un mur pourquoi pas, ce n'est pas une solution à long terme, mais au moins on est encore en vie pour résoudre le problème ! La deuxième solution consiste à prendre les devant et le charger à son tour, il vaut mieux être armé quand même (sans chambrière Kepler aurait  pu me tuer) et aussi savoir ce que l'on fait. On chasse le cheval et on lui cours un peu après histoire que ça rentre bien profond dans sa tête et généralement, il ne recommencera pas !  On voit dans certains films le cheval agressif qui charge le Merveilleux Grand Chuchoteur, qui lui claque des dents au ras du nez... tandis que l'homme stoïque, reste sans bouger.... Euh ...! Alors, théoriquement ça peut marcher, les chevaux font plus souvent de l’esbroufe qu'autre chose, mais enfin, si on perd le pari, qui le gagne ?

On s'est longtemps demandé où ça avait cloché ? Mat s'était présenté comme un cheval pénible, mais pas "méchant", ou était-il dans un bon jour ? Là où il était, il était au pré avec suffisamment de fourrage. Chez nous il a eu tout ce dont un cheval est sensé avoir besoin : de l'espace, des compagnons, des fourrages à volonté, des soins quotidiens ... Alors quoi ?
Il est possible que c'était en fait tout cela : il arrive que des chevaux qui sont placés dans un environnement plus propice deviennent désagréables. Ils semblent se libérer d'un certain mal être et explorent les nouvelles limites. Parfois, ils me donnent aussi l'impression d'être enfin écoutés, alors ils "racontent" à leur manière... 
Surtout, on a réalisé plus tard que si Mat, pour un cheval désocialisé, ne se montrait pas dangereux avec Lune et Joguette, leur fréquentation quasi permanente devait lui procurer un gros stress et peut-être même une forme de fatigue. On s'en est rendu compte de la façon suivante :
Si en règle générale, Mat se comporte bien avec les filles, il arrive qu'il devienne tellement insupportable qu'elles finissent par en avoir peur. Pour préserver le confort des deux juments et éviter des accidents, lorsque Mat commence à trop asticoter Lune, on les sépare pour 24 à 48 heures. (Ils peuvent toujours se voir bien sûr.) Cela permet à Lune de se reposer, mais curieusement Mat se détend aussi et se montre par la suite beaucoup plus cool (après avoir chargé Lune au moins une fois quand même). N'allez surtout pas croire que la séparation agit comme une punition pour Mat, il est rigoureusement impossible qu'il fasse le lien entre son mauvais comportement et son isolement.

Une fois cette histoire de cheval qui charge réglée, il restait quand même un problème de taille : il ne nous chargeait plus mais il nous embêtait. Il venait poser son nez partout, faisait mine de mordre pour jouer à éviter les calottes, chassait Lune quand on voulait s'occuper d'elle, venait vers nous en agitant la tête et faisant mine de se cabrer (ce qui peut lui arriver d'ailleurs) etc... Ce n'était pas bien méchant, mais agaçant, passablement dangereux, d'autant qu'on ne le connaissait pas encore assez pour lui faire confiance. Sébastien s'est pris quelques bleus aussi !
En règle générale, avec un cheval qui envahit, on le chasse un peu, on lui demande de se pousser et voilà ; avec un cheval qui farfouille, on lève négligemment le coude ou peu importe pour évacuer la gêne... Avec Mat, rien ne marchait, à part le chasser très vigoureusement. Mais le remède n'était pas efficace puisqu'il fallait le réutiliser sans cesse. De plus Mat, sans pouvoir s'arrêter de nous envahir commençait à prendre peur. Le comportement tenait donc plus de la pathologie qu'autre chose à se stade. L'explication de l'installation du trouble se trouve certainement comme je le dis plus haut, dans le changement de vie qui bien que progressif l'a tout de même perturbé. Peut être aussi d'un excès d’énergie bien qu'il travaillait tous les jours.

La solution fut alors la suivante : il fallait laisser le temps au cheval d'être rééduqué, par l'apprentissage des bonnes bases, et pour commencer, lui expliquer gentiment que la règle première est de s'écarter quand 2-pattes le demande. Et puis, nous souhaitions pouvoir être tranquilles dans le pré ! Dès qu'on arrivait, il nous "sautait" dessus, chassait Lune etc... Tout de suite, sans bonjour ni rien, on lui enfilait licol ou caveçon, la carrière étant trop grande et Mat trop terrible pour un travail en liberté efficace, et on le mettait au travail.
Beaucoup sont adeptes du join-up, ou de ses variantes, qui consiste à faire courir en liberté, dans un rond, un cheval jusqu'à ce qu'il "cède". Ce n'est pas une technique que j'aime particulièrement utiliser car elle est punitive d'office. Mal menée, poussée à l’excès, elle peut conduire à un phénomène nommé "résignation acquise" qui consiste en une forme de suicide du cerveau qui permet à la proie d'accepter la mort venue du prédateur. Toujours mal menée, mais en douceur c'est simplement un travail plus ou moins bon ou mauvais. Mat, de par son comportement, était tout disposé à subir une forme un peu agressive de ce principe. Il y a donc eu droit, mais il a aussi eu droit à des formes de travail plus classique, qui dans le fond on un effet similaire : détendre le cheval par le mouvement, l'inciter, voire l'obliger à se mouvoir à notre demande. Systématiquement, lorsque nous arrivions au pré, il se comportait mal et avait droit à une séance énergique de longe. Cela a permit de bien lisser les choses et surtout de donner l'occasion de ne plus punir et de récompenser, de tisser des liens plus sains. Avec un cheval posant des problèmes récurrents, c'est toujours ce vers quoi il faut tendre. Avec le temps, le comportement de Mat c'est suffisamment amélioré pour que cela ne soit plus nécessaire.
(à suivre)

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