jeudi 12 avril 2012

Conseils ou jugement... ? Les idées préconçues

Ne disposant pas de carrière, j'en ai trouvée une à louer, de temps en temps. Cela me permet d'avoir un sol plus correct que celui dont je dispose à l'heure actuel (terrain dur avec de nombreux cailloux, et qui d'ailleurs sont plus ou moins venus à bout des pieds de Lune). Le sol est un peu trop profond et en pente (le pré où est Lune en ce moment est en pente aussi...) mais ça fait du bien de travailler dans un endroit prévu à cet effet. Les clôtures aussi : à force de travailler au milieu des champs, disposer de lignes droites matérialisées est d'une grande aide. Je sais bien que je pourrais en fabriquer dans les champs, mais ça pose les problèmes d'usure de terrain, de prise de place pour les chevaux etc...surtout j'ai la flemme. J'ajoute que dans le pré actuel, planter des piquets est une mission bien compliquée, voire impossible !
En plus ça me permet de sortir Lune de son environnement habituel, ce qui lui (nous) fait le plus grand bien !

Après un voyage fort stressant pour moi : mon camion est un vieux tromblon, qui peine à atteindre les 90km/h et on n'est jamais sûr qu'il monte les côtes qui se présentent. Pour me rendre à la pension où est la carrière, il faut prendre une route nationale à quatre voies, avec voies d'accélération et tout ça. Sur la route, il y avait plein de camion... C'est bête, mais j'étais pas tranquille... enfin c'est mon état d'esprit en ce moment : je m'énerve pour pas grand chose et d'ailleurs c'est un peu la raison d'être de ce billet...

Lune a un peu transpiré pendant le voyage, mais elle est de plus en plus tranquille sur la route. Je lui passe le caveçon avant de la descendre du camion, puis l'emmène sur la carrière.
Je suis tendue, c'est pas bon pour manipuler un cheval, je me sens observée ça n'aide pas ! Évidemment, Lune est un peu agitée : elle regarde, prend ses marques, elle n'a pas l'habitude !
Et là, ça commence : l'impression d'être jugée, jaugée et sur quelle base hein ? On me fait des remarques que je prends - à tord, le fond était gentil - très mal ! Mon ego, ben oui ! Pis aussi comme je le disais tout à l'heure, je ne suis pas d'humeur en ce moment...


Et d'une


D'abord, il paraît que je tiens mal ma longe, que je vais me casser le genou.... Allons bon ! Je tiens ma longe en boucle, pas en huit, c'est pas courant, certes, mais c'était la manière de faire de feu le Commandant de Padirac et celle de ses élèves à présent. Mes boucles sont trop grandes ? (j'ai des mains minuscules aussi, tenir 18m de longe peut m'être assez compliqué) Parce que je tiens à une main, le flot plutôt devant moi ? J'aime avoir mes mains libres et séparées cela permet plus d'action puis évite d'avoir un morceau de longe devant, qui lui peut se montrer dangereux. J'ai pas bien compris le truc, là, mais pourquoi pas, soit. Je sépare la longe pour tenir à deux mains c'est vrai que ma longe n'est pas trop bien pliée alors... Je suis encore en stress de la route, suis focalisée sur ma jument pas envie de discuter, pas envie d'être désagréable, enfin ça commence mal...


Premier pas dans la carrière


Nous faisons le tour de la carrière tranquillement, au pas en main. Lune regarde, forcément, mais tout le monde se fiche d'elle ! Les chevaux ici semblent habitués à voir du mouvement.
Je la mets au pas sur le cercle, la jument est plutôt tranquille, je me détends un peu. Après tout, je suis à mon affaire là... Sauf que le gars est toujours là à observer... ça m'agace. Lune commence à plier un peu les genoux à flairer le sol... Sans trop y croire, je laisse faire : ben oui ! Elle se roule 0O ! je ne m'attendais pas à ça ! Je laisse faire, il me semble que ça grince derrière, mais j'y reviendrais...

Normalement, on ne laisse pas faire ça : pour deux raisons pratiques.
La première est que ça met du sable dans le poil, qui peut coller et occasionner des blessures avec la selle ;
la deuxième est que si on ne gère pas suffisamment l'angle de la longe, le cheval peut se prendre les pieds dedans.
Évidemment, si le cheval est sellé, il peut se blesser et abimer la selle !

Je laisse faire parce que dans un premier temps je n'osais pas y croire :
Lune ne fait pas ça d'ordinaire et je m'attendais plus à ce qu'elle fasse le satellite plutôt que la toupie !
Ensuite en la laissant faire, je confirme l'idée de confort qui germe en son esprit, je lui autorise à se détendre.
Je suppose aussi qu'elle a besoin d'un massage après le transport, elle a le dos un peu tendu puis elle a transpiré...La prochaine fois, je tâcherais de lui passer un coup de brosse !

Il y a un risque qu'elle en prenne l'habitude, il suffira de ne pas la laisser faire la prochaine fois si elle retente le coup.


Et de deux


Je passe à la presque fin de l'excursion : effectivement ça a grincé derrière !
Du style "on ne se roule pas / joue pas pas ... sur le lieu de travail" Ouais on ne se détend pas non plus...? Je la connais celle-ci : la carrière est faite pour travailler : le cheval n'y a d'autre droit que celui d'obéir, au pré (au box) le cheval est libre de faire ce qu'il veut... ! Non, et ... non !

Le premier "non " :
Si vous souhaitez baser votre travail sur la communication (et je parle bien de travail au sens classique, gymnastique ou sportif, pas de numéro de cirque, pour lesquels les gens sont plus accordés à dire que la communication est primordiale) il faut oublier (partiellement) la notion de "j'exige, il obéit." La tolérance devant certaines situations, avec certains chevaux permet de les maintenir en flux détendu donc dans un état communiquant.
A ce moment, la jument n'était pas encore au travail, elle était en observation, son comportement était équinement correct et même si je ne souhaite pas qu'elle prenne cela en habitude, il n'y avait rien de dérangeant sur le plan comportemental.

J'ai du mal avec ce besoin de contrôle absolu du cheval, il est souvent basé sur la peur "Si je laisse faire ça, il pourra faire ça ou ça ! Ce sera la fin du monde !" et aussi "Si je laisse faire, je montre que je suis faible à mon cheval mais surtout à mon entourage ! Oh mon Ego, mon Ego, mon cher Ego !!! Il faut absolument que je montre à quel point je suis le plus fort!!!!" Au passage cette peur, donc ce type de comportement restrictif est assez souvent preuve du manque de maitrise de l'individu ...

Le deuxième "non" :
Considérer que le cheval est totalement libre de ses actions au pré ou au box est tout simplement dangereux !
Où que soit le cheval, il doit se considérer comme en état de travail quand le deux pattes est dans son environnement proche c'est-à dire qu'il doit se montrer suffisamment attentif pour respecter suffisamment son espace, ne pas se chamailler avec les autres etc...

Une remarque supplémentaire :
Le cheval n'est pas un animal territorial. L'argument "ici on travaille, ici on fait ce qu'on veut" est assez proche de l'anthropomorphisme. Par contre, le cheval est un animal d'habitude et très adaptable, capable de faire facilement des associations du type "Ici mon deux-pattes renonce à toutes disciplines, alors je peux me permettre de l'ignorer"  ...
Mais cela vient de ce que vous lui inculquez sur la notion d'endroit, pas de sa nature. Je travaille depuis très longtemps les chevaux dans leur pâture sans aucun autre soucis sur le plan comportemental que le manque de barrières physique, dans certains cas.

Le deuxième argument pour expliquer à quel point c'est mal de l'avoir laissé se rouler est qu'elle va en prendre l'habitude et qu'elle va se rouler avec moi sur le dos... et de me citer en exemple le cas d'un cheval qui se serait rouler sur la route avec son cavalier...

AAA...lors... ! Tout d'abord, OUI, effectivement, il y a un risque d'habitude : le risque serait qu'elle se roule systématiquement en entrant dans la carrière. Pour qu'il y ait habitude il faut quand même plus d'une fois ! Le fait est que si elle retente la prochaine fois, j'interdirais. Pourquoi pas aujourd'hui ? Il vaut mieux commencer par les bonnes habitudes ! C'est vrai, mais comme je l'ai expliqué plus tôt j'ai ressenti le besoin de lui laisser une certaine latitude.

Entre se rouler avec le cavalier et se rouler en longe, il y a tout un monde : Enfin, le cheval fait d'avantage la différence entre poids sur le dos / rien sur le dos qu'entre carrière/chemin/champs/pré !
Deuxièmement : Si le cheval a envie de se rouler, il le tente ! Si il peut le faire, il le fait, point n'est besoin d'habitude ! Si le cavalier n'a pas suffisamment d'ascendant sur le cheval, celui-ci fera ce qu'il voudra qu'il en ait l'habitude ou pas. Le cheval n'est pas une machine, je le répète encore une fois, il s'adapte facilement à des situations différentes.

Quant au cheval qui se roule sur la route, la première chose est de se demander pourquoi ! Qu'il fasse fit de son cavalier, d'accord, mais qu'il tente de se rouler sur un endroit dur et inconfortable ? Dans quel état était-il ce cheval ?

Et de trois

Juste après ça, je demande le pas à Lune qui prend le trot ... Certain s'en offusquerait et c'est le cas du gars .... "Elle n'est pas aux ordres !

Et bien, Non mais Oui !
Encore une fois, on n'est pas obligé de voir ça de manière psychorigide : je demande un mouvement en avant, que la jument exécute avec enthousiasme. Lune est une jument qui se livre difficilement, qui manque souvent de plaisir dans la mise en avant. Je ne brime pas ses volontés d'avancer quand elle reste dans la mesure, ce qui est parfaitement le cas ici. Et il est souvent de bon aloi que le premier trot vienne du cheval, cela signifie qu'il est physiquement prêt. Ca dépend du cheval, bien sûr.

Elle est excitée par son nouvel environnement, le besoin de courir est normal, naturel. Je m'assure du contrôle global : lignes droites et transitions descendantes : tout fonctionne. Je la laisse prendre le galop à volonté, tant qu'elle ne se désunie pas.
Si le cheval est anxieux, le mouvement peut le rassurer. Attention, il peut aussi augmenter son stress...

Pour une jument pas habituée à sortir de son environnement son comportement en longe est tout à fait positif. Tout ce que je souhaitais d'elle. 

Les (mes) règles en longe pour les allures sont les suivantes : à la demande du mouvement en avant, le cheval doit donner, si il donne trop soit on laisse, ce que je fais généralement à l'échauffement, soit on demande une transition descendante. Il ne faut jamais brimer une belle envie d'avancer... à la demande le cheval doit obéir à la transition descendante précisément (en gros, on peut avancer plus, mais pas moins). L'arrêt doit être respecté et du coup à ne demander que si l'obéissance est possible. Moyennant quoi, les chevaux que j'ai mis à la longe y fonctionnent très bien et particulièrement ma jument. (Il y a encore une particularité sur l'obéissance aux allures de Lune en début de longe, lié à sa manie d'uriner en début de séance)

Un mot sur la faculté des chevaux de comprendre les situations : Lune a une grande liberté en début de longe. Je l'autorise même à changer de main si elle le souhaite ! à partir du moment où le travail effectif commence (demande d'engagement, d'attention, réduction de cercle etc...) elle fait rigoureusement ce que je lui demande. Si elle y manque, un rappel à l'ordre suffit. Elle est tout à fait capable de sentir quand elle peut, quand elle ne peut pas.

Et de quatre

"Dans la main droite, la chambrière" je suis à main droite, longe dans la main droite, chambrière dans la main gauche, conformément à l'école de travail que je suis (que je tente de suivre). Alors, on m'a déjà fait la réflexion de tenir le flot dans la main droite, c'est une école répandue. Mais le coup de la chambrière, c'est une première ! Pourquoi pas, chacun sa manière de faire, tant qu'on se fait comprendre du cheval. J'explique, Sébastien lui a demandé : la chambrière devant, c'est pour arrêter. Ce à quoi Sébastien à répondu que le but est plutôt d'avancer...
Petite parenthèse : c'est un amusant paradoxe : pour un homme qui prétend que le cheval n'est pas capable d'à la fois jouer et à la fois travailler sur le même terrain, il dit que le cheval est capable de s'arrêter sur l'ordre d'un outil dont on se sert pour pousser le cheval ... Si il dresse effectivement ses chevaux dans ce sens il doit alors se rendre compte de leur faculté de compréhension !

Si le dressage est suffisamment clair, on peut apprendre presque tout ce qu'on veut à un cheval. La réponse spontanée du cheval non dressé à la chambrière est généralement d'avancer, mais si on veut lui apprendre de s'arrêter, pourquoi pas... (reste à savoir comment on l'enseigne...)
Lune change de main à l'action de la chambrière devant, et selon une action différente, par l'avant aussi, est sensée reculer, pour ça la réponse est loin d'être spontanée... Mais la notion de mouvement reste liée à l'outil.

Pour s'arrêter, le whoa suffit au cheval dressé selon ce code. Si il ne suffit pas et pour l'apprendre, raccourcir le cercle et me déplacer vers l'épaule est le moyen recommandé.

Le pêcher des hommes de cheval

C'est l'orgueil, et la manie de juger et tirer des conclusions sans savoir. Dès que ça diffère de notre manière de faire on prétend que c'est mal, au lieu de chercher à comprendre, et on s'offusque de la moindre remarque. Comment pouvons-nous progresser avec un tel état d'esprit ? Comment prétendre communiquer avec le cheval alors que l'on est globalement dans une attitude de non communication ? 



Sinon

Bon j'étais plutôt contente de la longe, mais je n'ai pas pu monter : ma sangle était restée à la maison. J'ai donc travaillé à pied, ce qui est un exercice difficile avec un cheval ayant un fort traversement naturel, et plus encore quand le cheval est tendu. Si le cavalier l'est aussi et bien ... on ne peut pas faire grand chose... 
Mais compte tenu de cela ça aurait pu être pire... Ca à même fini par un joli travail de "dandinement" travail dans lequel j'alterne entre aspirer et pousser les hanches, lui demandant de rentrer chacun des postérieurs tours à tours.

Retour à la maison ... Tiens ! Lune ne s'est pas re-roulée...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire