samedi 7 avril 2012

journée au lycée agricole (troisième partie : le cheval agressif au box)

Je laisse partir le brave Cobalt qui commence à trouver cela un peu long et je parle alors un peu de Manhattan, ce cheval dont on m'avait parlé lors de ma visite des écuries. 
Il est agressif et charge, difficile à nourrir, et pour nettoyer le box. Il faut le chasser au fond pour apporter son repas, l'attacher dehors ou le surveiller et le chasser continuellement pour curer. La seule bonne chose à faire est de le sortir pour faire le box !
Au travail, à l'extérieur, il est correct.

Mal à l'aise d'être debout au milieu de la carrière, de parler au micro, je ne dis vraiment pas tout ce que j'aurais du dire, et reste dans le très général et l'imprécis : éviter les mouvements de recul lorsqu'on donne à manger et que peut-être (sûrement), ce cheval serait mieux dehors avec du foin à volonté. Je pense tout de même à expliquer que sa bulle personnelle s'étant jusqu'aux limites du box, et qu'il ressent toute intrusion comme une agression...
Voilà ce que j'aurais du dire d'autre :

Donc, c'est une intrusion, le cheval est généralement agressif que parce qu'il croit être en présence d'un dominé qu'il doit pousser pour prendre sa nourriture et que celui-ci ne bouge pas, mais plus souvent parce qu'il a peur. Même si il peut y avoir une forme de relation dominant/ dominé avec le cheval, celui-ci sait que l'homme n'est pas un concurrent sur le plan de l'alimentation. Le cheval domestique ne ressent généralement pas le besoin de protéger sa gamelle vis à vis de l'homme. Donc, très probablement, ce cheval a peur. Pas nécessairement de mauvais traitement, mais à cause de l'intrusion, à cause de l'insécurité liée au box, à cause de maladresses répétées qui lui ont appris que son inquiétude est justifiée, il ressent aussi très probablement une frustration qui se traduit par un comportement agressif...

Il faut penser à une petite chose : il y a 130 chevaux dans ces écuries, il faut forcément attendre pour être nourri : certains chevaux le tolèrent très très mal (le dominant est le premier à avoir accès aux ressources, ce n'est pas logique qu'il doive attendre !)

Avant d'entrer, il faut marquer une pause, si possible en attitude neutre. Si possible, l'image impressionnante et quelque part magnifique du dresseur qui se laisse charger et claquer des dents au ras de la figure dans "Danse avec lui" si elle a un fond justifiable, me semble pour le moins surréaliste. Les chevaux ne mangent pas les hommes, mais enfin ils leur arrivent de les blesser gravement.

Pour le nourrir, il va falloir ensuite lui demander effectivement de s'écarter. Mais pas de cris, pas de colère, pas d'ordres brutaux : c'est lui donner raison et justifier le sentiment qu'il a du besoin de se défendre. Une gaule de dressage pour l'écarter me semble une bonne solution, utilisée d'un geste doux, pour le faire se décaler dans un mouvement de recul ou latéral. Il faut parler, d'une voix grave, si possible, un peu sèche mais d'un ton calmant. Surtout, ne pas monter dans des suraigües hystériques, qui ressembleraient en fait, aux couinements des chevaux qui se cherchent.

On pose le seau, le foin et on marque une pause. Partir rapidement ressemblerait à de la fuite et confirmerait un statut de dominant au cheval.
On entre là dans un paradoxe, qui explique les comportements démontrant l'insécurité des chevaux vis-à vis des deux pattes : à la fois, l'homme se veut dominant et pour cela manifeste parfois des comportements agressifs, mais en même temps il a des attitudes de retrait qui autorisent qu'on le chasse. Il est alors assimilé à un prédateur -éventuellement peu sûr de lui - à un individu incompréhensible et absolument pas fiable ou à un dominé frustré, qui compense en agressant maladroitement. Toujours est-il que le cheval ne sait pas toujours bien comment gérer cet individu contradictoire.

Retournons avec Manhattan.
Le seau est posé et on attend, un peu. Si l'on voit une descente d'encolure, un soupir, même un évitement (le cheval regarde ailleurs) on peut reculer et sortir.

Cela ne résoudra pas nécessairement le problème mais au moins ne l'empirera pas comme pourrait le faire les "leçons" à grand renfort de cris et menaces : au moins on commence à lui montrer que l'on est pacifique. Une autre solution, probablement plus sécuritaire, est de sortir le cheval lors de la distribution.


En dehors de la prise alimentaire, il faut aussi rassurer ce cheval.
Je suppose qu'une thérapie basée sur un abord progressif fonctionnerait très bien :
les détails sont difficiles à expliquer ici car ils dépendent directement des réponses du cheval. Il faut tenter le plus tôt possible le contact mano-nasal, rester neutre, faire beaucoup de pauses pour laisser au cheval le temps d'accepter. Eventuellement ressortir, selon la pression que manifeste le cheval. Si le cheval cherche à charger, il faut éviter de reculer -mouais ! c'est facile la théorie, il faut surtout rester en bonne santé - il faut soit tenter d'ignorer ce comportement indésirable, soit demander la cession, voire le retrait.
Cela est un exercice difficile voir périlleux. Il faut être très attentif à la communication posturale du cheval et y répondre de manière adéquate.
Pour être le plus possible en sécurité, il faut passer le licol assez tôt aussi. Si possible. Manhattan étant un cheval manipulé régulièrement, c'est probablement la première chose à faire, après le contact mano-nasal probablement.
Et puis, il faut le masser puis faire en parallèle des exercices de descente et de flexion d'encolure, qu'on associera ensuite à des pivots de hanche, puis décalages d'épaules.
Tout cela sur le mode de "nous sommes amis et bien ensemble".

Après le travail, avant de sortir du box, il faut penser à passer un moment -même bref- pour lui faire une caresse (pas une claque ! Une application de la main,plus ou moins ferme selon le ressenti) le long de l'encolure ou un autre endroit qu'il apprécierait, un contact mano-nasal. Encore mieux, un massage de tout le corps, si il l'accepte, quand il l'acceptera. Et il faudra penser à sortir calmement.

Encore une chose : il faut fonctionner pour lui et non exiger qu'il fonctionne pour vous ...

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